no training wheels left for you ❀ ivy

✿ Dis moi mon p'tit champignon. T'es né ici ou pas ?Tu viens d'où sinon ? T'aimes le coin ou pas du tout ?
J'ai grandi à Londres, Ô jolie ville aux interminables jours de pluie. J'y ai passé plus de vingt-deux années et je peux donc dire que, malgré mon départ, Londres restera à jamais ma maison. Je connais encore ses rues par cœur, j'arrive à les visualiser rien qu'en fermant les yeux, et je suis pratiquement certaine que je pourrais y retourner à pieds quitte à ce que ça me prenne des jours. Ou des années. Mais, comme on dit, toute belle chose a une enfin. Mon histoire n'est pas la plus triste, ni plus la plus heureuse. Certainement pas la plus belle. Cette histoire parle de mariage, de maladie, de promesses rompues et d'autres trucs cons qui font que la vie n'est pas parfaite. Peut-être qu'un jour je trouverai quelqu'un pour l'écouter, mon récit. En attendant, je préfère l'enterrer avec le restes de mes souvenirs foireux, mes hontes, et ces autres secrets. Emménager ici m'a permis de prendre un nouveau départ et, même si ça n'a pas été simple au début, je pense que c'est la meilleure décision que j'ai prise de toute ma courte vie.

✿ T'sais, j'aimerais bien que tu me parles un peu de ta vie. Tu fais quoi de ton temps libre ? Et ton métier c'est quoi ?
Je suis chroniqueuse le jour, et blogueuse la nuit. Au début, je voulais être styliste et créer des robes de mariées parce que, sans raison apparente, j'ai toujours été fascinée par les mariages. Sauf que j'ai rapidement changé d'avis, j'ai en quelques sortes été dégoûtée des mariages à cause d'une mauvaise expérience et au lieu de créer des vêtements, j'ai préféré écrire dessus. Enfin, pas littéralement dessus, mais à propos d'eux. Well. J'ai trouvé une place dans un magazine en tant que chroniqueuse et, sur le coté, j'ai ouvert mon propre blog. Je parle de fringues, de plats parce que c'est important de manger healthy. Y a pas mal de photos d'Achille aussi, si y a des fans de chats dans l'assemblée. Sinon, pour passer le temps, je fais pas mal de gym et je joue souvent du piano. Comme j'ai pas le luxe de me payer mon piano ni même d'en faire entrer un volé dans mon minuscule appart', je joue parfois dans un café au style rétro où est installé un piano qui ne sert jamais. Puis parfois j'écris aussi, et je peins. Je trace sur un bout de papier les quelques pensées qui se bousculent dans ma tête et souvent, ça m'aide à les trier un peu. Je garde tout dans une vieille malle, une sorte de coffre à pirates cachée par une montagnes de plaids et de paires de chaussettes. Et si l'histoire de ma famille vous intéresse, je vois pas trop quoi dire à part que j'ai une mère, un père, une petite soeur et une grande. Enfin j'avais une grande, mais cette histoire fait partie de celles qui restent enterrées. Ma famille est fantastique, bien qu'un peu étrange et totalement délurée. On s'envoie des lettres à chaque anniversaire, chaque fête, et on passe encore nos Noëls ensemble comme quand j'étais gamine.  

✿ J'suis pas psy mais bon, si t'as besoin, tu peux tout me raconter. J'suis commère. Tu le sais ?
Rose, tout était rose. Mais pas d'un rose moche, pétant et dégueulasse qui nique les yeux, non. Un beau rose pâle comme les couleurs des fleurs de cerisier qui prenaient vie derrière son visage de poupée. Elle était belle, si douce, dans sa foutue robe de mariée couleur saumon.
Parfois, je perds le fil. Je vis, je suis là, puis j'ai une absence. Je saurais pas trop l'expliquer, j'ai mes pensées qui divaguent sans arrêt et qui me sortent de la réalité. Mais bref, on est pas là pour parler de ça nan ? Un moment beau, heureux, je dois bien avoir ça en réserve.
Quand j'étais gamine, j'adorais les biscuits. Je les mangeais par paquet, jusqu'à en être malade et ne plus en vouloir pour le restant de ma vie, soit le lendemain matin. Et à chaque fois que j'en mangeais, ma mère finissait par me retirer le paquet des mains pour le mettre en hauteur, là où je pourrais pas l'avoir. Sauf qu'un jour, Abby était là. Ma soeur, vivante, aux joues aussi roses que les fleurs d'un cerisier. Elle a pris le paquet pour me le donner et, quand notre mère nous a captées, on s'est mis à courir à travers tout le jardin. On a couru vite, longtemps, j'avais l'impression d'être sur le foutu terrain d'Olive et Tom tellement il me paraissait grand. On courait si vite qu'on en avait les larmes aux yeux, si longtemps qu'on avait le ventre noué. Puis elle s'est arrêtée, et le temps a ralenti.
C'était beau, c'était drôle, c'était Abby. Plein d'émotion, de rires, de souvenirs capturés en quelques photos qui défilaient sur un écran. Et elle rayonnait dans sa robe saumon malgré son crâne chauve, malgré ses traits marqués par le cancer. Je la regardais sous les lumières bleues, mauves, roses. Je l'admirais danser, sourire, rire, si belle.
Quand j'avais dix-huit ans, j'ai assisté au bal de promo le plus ringard de tous les temps. Y avait des guirlandes partout, des pancartes avec des baleines afin de nous sensibiliser, et tous ces couples qui se bavaient dessus comme des duos d'escargots. Mais j'étais pas seule. On était quatre, quatre ados un peu stupides qui prévoyaient de faire foirer le couronnement en mettant en avant sur scène la fin du tabou homosexuel. Quand j'y repense, j'ai presque honte de nous. On est monté sur scène quand ils ont annoncé le nom de la reine et du roi, on a crié le nom de ce petit couple cutie pie af qu'on admirait tellement, puis on a réussi à créer une sorte d'émeute sur la scène. Ça dansait, ça criait, ça riait. C'était presque beau.
Et il était là, j'étais là. On avait bu un peu, juste assez pour rendre ce bal plus amusant. J'aurais pas du boire. Je peux encore sentir ses doigts contre ma peau, son souffle dans mon cou, ses lèvres contre les miennes. Et ils tombèrent amoureux, vécurent une magnifique histoire d'amour et eurent pleins de beaux enfant. Bullshit. Et elle tomba amoureuse, il la ramena dans son lit, puis se servit d'elle comme d'un simple outil pour satisfaire ses besoins primitifs.
C'était parfois amusant, parfois triste, tout ce qui rendait la vie plus réelle.