first day; pv.raph

Abigaëlle se sent un peu gênée par la situation parce qu'elle se fait offrir un repas par Raphaël alors qu'ils se connaissent à peine. Si encore elle travaillait ici depuis quelques mois... Elle hausse les épaules quand son patron lui dit que cuisiner pour un ou pour deux ne change pas grand chose. Elle pense que si, au contraire. Surtout que là, elle va consommer un peu de ses réserves à lui. Et Abigaëlle, même si elle a pas grandi en tant que fille unique, sait ce que c'est que d'être indépendante et d'acheter à manger uniquement pour soi-même. Elle regarde d'un oeil distrait Raphaël qui se lève et qui déclare qu'il va tout ramener ici.

- D'accord ! répond-elle avec entrain en lui jetant un coup d'oeil.

Pendant les quelques minutes où son patron est absent du bureau, Abigaëlle en profite pour avancer sur ce qu'elle fait depuis une heure. Quand il revient après très peu de temps, Abigaëlle le regarde la servir. Son ventre grogne fort, elle espère que ça ne s'entend pas dans le silence du studio.

- Merci... souffle-t-elle quand Raphaël retourne de son côté du bureau, avant de s'emparer de la fourchette qu'il avait posée près d'elle, ainsi que du couteau.

Elle goûte l'omelette du bout des dents car elle vient tout juste de sortir de la poêle et qu'elle est très chaude, mais déjà elle sent que c'est très bon et n'hésite pas à en faire part à son patron. Après tout, il la nourrit si gentiment !

- T'es un vrai cordon bleu dis-moi ! lui lance-t-elle avant d'enfourner une réelle fourchettée d'oeufs dans sa bouche, avec une feuille de salade qui traînait là.

Je souris un peu quand j'entends son ventre grogner mais fais mine de rien de peur de la mettre mal à l'aise. Quoi que je risque d'être le plus gêné de nous deux, comme d'habitude. Je suis toujours le plus gêné, en toutes circonstances, dans toutes les situations. Je sais que c'est bête mais c'est ainsi. En tout cas, je remplis son assiette sans me faire prier et la déposer devant elle. Avec la bouteille d'eau que j'ai ramené et les verres également. Dont le mien que je remplis pour embarquer de mon côté de la table quand je retourne prendre ma place en face d'elle.

Je t'en prie. Je lui réponds simplement, en lui offrant une ébauche de sourire.

Je crois que je souris plus fort encore quand elle me complimente. Même si, pour ne pas changer, ce sourire s'accompagne de rougeurs révélatrices sur mes joues mal rasées. Je ne changerai certainement jamais, je n'y peux rien !

Ce n'est pas grand chose. Juste une omelette... Je lui fais remarquer sans me départir de mon sourire malgré tout. Mais quand on vit seul on n'a pas d'autre choix que d'apprendre. Je conclus sans entrer plus dans le détail. Elle n'a pas besoin de savoir que je suis célibataire depuis toujours et que je n'ai jamais vécu avec qui que ce soit d'autre qu'avec ma famille que j'ai quitté quand j'ai trouvé du boulot.

C'est peut-être juste une omelette pour Raphaël, mais pour Abigaëlle c'est le signe qu'elle est bien accueillie dans son nouveau boulot, et chouchoutée en plus de ça ! Elle-même n'en aurait pas fait autant pour un ou une employé(e). Elle sourit en enfournant une réelle bouchée de son assiette, avec un bout de salade en prime, et tique sur les paroles suivantes de son patron. Apparemment, aucune femme ne vit ici avec lui. Ou aucun homme, après tout Abigaëlle ne sait rien de l'orientation sexuelle de son nouveau boss. Elle aurait cela dit pu aisément le deviner, car la maison est décorée de façon très neutre. On dirait que tout est fait ici pour que les animaux et leur maître uniquement se sentent bien. Sur le canapé, au salon, Abigaëlle a remarqué que les coussins étaient tous disposés d'un seul côté. Dans l'évier à la cuisine, elle a repéré une seule tasse datant du petit déjeuner de son patron, quand elle est passée devant. Elle hoche la tête et la lève pour le regarder, bien que lui ne lève pas tout de suite son visage.

- Je me dépatouille toujours pour ne pas avoir à cuisiner, je détester ça ! confie Abigaëlle en dissimulant sa nourriture quelque part dans sa joue pour ne pas montrer qu'elle parle la bouche pleine.

Je ne fais pas particulièrement attention au fait que je l'informe de façon bien indirecte, sur mon célibat. Parce qu'à aucun moment je ne me dis que c'est susceptible de l'intéresser de toute façon. Et quand bien même ce serait le cas, ça ne changerait pas grand chose, pour ne pas dire rien du tout, à notre situation. Dans le fond, ça m'arrange énormément qu'elle ne soit "que" mon employée. Ca évite probablement quelques moments de gêne supplémentaires. C'est en tout cas ce que je préfère en penser. Histoire de m'éviter de trop me prendre la tête à propos de ceci ou cela. Je le fais déjà bien assez en temps normal, quand je me retrouve ainsi face à une femme jeune et jolie.

Vraiment ? Ce n'est pourtant pas si désagréable que ça ... Parler nourriture, c'est presque trop facile pour moi qui adore manger. C'est d'ailleurs bien parce que j'adore ça, que je prends toujours le temps de cuisiner un minimum. Pour le plaisir de manger ensuite derrière ! J'imagine que se nourrir de restaurants et de plats tout prêts, ça doit te revenir cher. Je fais quand même remarquer, vaguement amusé par la situation et par ce fait là. Qu'elle préfère payer beaucoup plus cher tant qu'elle n'a pas à cuisiner.

Abigaëlle termine sa bouchée avant de répondre à nouveau.

- Pas désagréable, ça dépend pour qui... murmure-t-elle juste après avoir avalé, laissant un léger sourire naître sur ses lèvres épaisses.

Elle n'aime ni avoir à toucher la nourriture froide, ni avoir à tout mesurer pour ne pas avoir des goûts infâmes, ni devoir surveiller la cuisson, et encore moins faire la vaisselle... De toute façon, elle n'a jamais vraiment vécu seule, Abigaëlle. Elle avait toujours quelqu'un pour cuisiner pour elle : ses parents, son ex-mari, sa compagne de voyage quand elle l'a rejointe... Non, Abigaëlle a tout fait pour éviter de rester seule. Parfois, elle pense à son chat, qu'elle a laissé avec beaucoup de regrets chez ses parents et dont elle demande plus de nouvelles que de celles d'eux-mêmes.

- Ca me revient pas spécialement cher, je mange juste moins. Je fais des choses rapides, des pâtes... Vraiment rien qui ne demande une préparation !

Je suis presque épaté de rencontrer une personne qui semble si peu cuisiner. Pour ne pas dire pas du tout. Je me demande réellement comment elle fait pour vivre seule sans pour autant cuisiner. Vraiment, j'arrive à trouver la chose presque fascinante. Ce qui est idiot, sans doute. Mais je m'en fiche. Je la regarde un peu comme si elle était un extra terrestre à présent. Pour ma part je vis seul depuis longtemps et j'ai toujours pris grand soin de cuisiner pour me nourrir de la façon la plus correcte qui soit, sans dépenser des milles et des cents.

Je crois que j'aime beaucoup trop manger pour pouvoir me contenter de ça ...

Ce n'est pas pour rien que j'ai été en surpoids pendant de nombreuses années en même temps. Et le fait de savoir cuisiner me permets au moins, à présent, de ne faire que des plats très équilibrés. Alors qu'elle, si elle voulait faire attention à manger sain, elle ne le pourrait pas aussi facilement que ça.

Mais si tu veux, je pourrai cuisiner pour tous les deux à chaque fois que tu viendras bosser à des heures de repas !Je suis sincère et sérieux, ça ne me dérange pas du tout. Mais j'espère ne pas la mettre mal à l'aise avec une telle proposition.

Abigaëlle croit entendre une pointe de regrets dans la voix de Raphaël, quand ce dernier lui avoue qu'il aime trop manger pour ne pas faire l'effort de cuisiner. La jeune française doit admettre que c'est aussi le cas pour elle, mais que cela ne la dérange pas non plus de passer outre son désir de manger pour ne pas donner trop de fil à retordre à sa légendaire flemme.

- Eh c'est pareil pour moi ! fait-elle sans plus se cacher de parler la bouche pleine.

D'entendre sa voix ainsi la fait éclater de rire, et elle est obligée de placer l'une de ses mains devant sa bouche afin de cacher le contenu de celle-ci à Raphaël qui la regarde. Chose normale, dans une conversation. Mais Abigaëlle n'est pas ce qu'on peut appeler la politesse incarnée sur tous les plans... Certes, elle aime aider et ne va pas laisser les choses en plan quand elle y touche -comme la chasse d'eau un peu plus tôt-, mais sur le plan comportemental elle n'est vraiment pas des plus distinguées.

- Oh non non surtout pas ! peut-elle enfin répondre après avoir repris son sérieux. Ca me gênerait bien trop, je penserai à apporter de quoi manger désormais, désolée !

Si je suis d'abord étonné par la façon et le naturel avec lesquels elle prend la parole la bouche pleine, je ne tarde pas non plus à éclater franchement de rire. Parce que j'aime bien le fait qu'elle soit suffisamment à l'aise pour simplement parler la bouche pleine comme ça. J'avoue que ça m'aide à me détendre un tant soit peu en retour. Et ça, ce n'est pas rien. Parce qu'avec moi, c'est sûr que ce n'était pas gagné ! Nous rions un peu bêtement tous les deux. Mais qu'importe parce que ça fait un bien fou !

A la différence que tu ne cuisines apparemment pas ! Je fais quand même remarquer avec un gentil sourire sur les lèvres.

Quand je propose finalement de cuisiner pour tous les deux, sa réponse ne m'étonne pas du tout. Bien au contraire ! C'est si elle avait accepté sans hésiter, que j'aurais été carrément choqué en fait !

Mais puisque ça me fait plaisir de cuisiner ... J'affirme le plus sérieusement du monde. J'aime cuisiner et j'aime faire plaisir. Les deux combinés, c'est forcément ce qu'il y a de mieux à mes yeux.

 Avec tous les rires qui la prennent depuis que Raphaël est revenu de la cuisine avec les assiettes, Abigaëlle en oublie de manger. Son omelette a vite refroidi, elle s'en rend compte en prenant une nouvelle bouchée, détournant quelques instants son regard de Raphaël qui, en même temps, lui rappelle que ça lui fait plaisir de cuisiner. La jeune française finit par relever la tête et hocher la tête, tout en mâchant. S'il insiste de la sorte, alors...

- Bon... si ça te fait plaisir... finit-elle par lâcher après avoir avalé sa bouchée actuelle.

Le reste du repas se passe dans le silence. Abigaëlle finit son assiette en seconde, et se lève immédiatement après avoir vérifié que Raphaël a bien terminé la sienne.

- Je vais faire la vaisselle !lance-t-elle en se levant, et attrapant au passage son assiette et se dirigeant ensuite du côté de Raphaël pour récupérer la sienne.